C’est à Saint Germain en Coglès, une jolie petite commune de 2000 habitant.e.s située au nord-ouest de Fougères que souhaite s’installer le seul crématorium à 60kms à la ronde. Ce souhait de la mairie, beaucoup plus contestable et inquiétant que rationnel, est contesté par les riverain.e.s regroupé.e.s dans l’association « Bien Vivre à la Gare ».
L’association s’inquiète (avec beaucoup d’arguments) de ce projet démesuré pour leur commune en mettant en avant des craintes sur les impacts environnementaux, sanitaires et économiques du projet mais aussi en terme de sécurité et pour l’attractivité de leur commune.
Si le fond de ce dossier suscite l’opposition, vous découvrirez que la forme, teintée d’absence d’information des habitant.e.s en amont et de désinformation (volontaire ou non) ne nous rassure toujours pas sur la bonne santé de la démocratie locale dans le Pays de Fougères (toute ressemblance avec d’autres projets du territoire comme la centrale photovoltaïque de Montbelleux seraient fortuites 😇).
Si vous souhaitez plus d’informations sur le projet, accéder à l’espace documentaire ou participer à l’une de leur réunion d’information, n’hésitez pas à contacter l’association par mail bienvivrealagare@gmail.com.
Le projet de crématorium à Saint Germain en Coglès.
C’est dans un article de La Chronique du 31 mars 2023 que les habitant.e.s ont appris que leurs élu.e.s venaient d’engager un projet de crématorium dans leur commune. On apprend d’ailleurs dans cette article que le (très) proche territoire voisin de Fougères Agglomérations réfléchissaient aussi à un projet similaire. Nous l’avions appris dans la presse suite à une interpellation des élu.e.s 20000 Maires pour Fougères en décembre 2022 lors du conseil municipal. C’est beau le développement coordonné du territoire… 😅
La Zone d’Activité de la gare à Saint Germain en Coglès est une zone de 9 parcelles dont plus de la moitiée était encore disponible au moment du lancement du projet. C’était d’ailleurs l’un des arguments des élu.e.s : « ça fait 15 ans que la communauté de commune essaye de vendre ses terrains, pour une fois qu’il y a un projet, on ne va pas le refuser… ». Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et 3 terrains ont été vendus, l’argument ne tient donc plus.
Le projet de crématorium prévoit d’occuper 2 parcelles, non pas pour ses besoins d’espace pour son installation mais seulement car le taux d’occupation des sols sur une seule parcelle serait supérieur à ceux prévus par la réglementation. Cela interroge déjà sur la légitimité du choix de cette « petite » zone d’activité pour un projet de cette ampleur.
On pourrait résumer la situation ainsi : oui, le Pays de Fougères à donc besoin d’un crématorium car les plus proches se trouvent en Mayenne, Rennes ou Montfort-sur-Meu. Mais il est essentiel d’envisager son implantation à un endroit pouvant l’accueillir sans risque pour la ressource en eau, l’environnement et les riverain.e.s.
La ressource en eau menacée par le crématorium à Saint Germain en Coglès ?
Crée en 2007, la zone d’activité de la gare a la particularité pas si anodine d’avoir été créé sur 2 zones humides (source de la Loisance et de la Minette – photo ci-dessous).
La société GENERYS, qui est retenue pour le projet de crématorium en Délégation de Services Publics (DSP) estime à 28000 le nombre de véhicules a venir au crématorium sur une année d’activité. Une voiture, en plus de sa pollution aérienne, peut perdre des hydrocarbures (carburant, huile …) lors de sa circulation dans la zone et de son stationnement. La pluie pourrait ramener sans aucune difficulté toute cette pollution vers les zones humides sur lesquelles est construite le zone d’activité. Les systèmes de filtrations, déshuileur – débourbeur sont-ils dimensionnés pour une telle activité ?
L’eau de pluie pourrait aussi ramener au sol et donc dans les zones de captage d’eau potable les sympatiques polluants émis par les crématoriums L’association Bien Vivre à la Gare les a listé (liste non exhaustives) et on retrouve par exemple :
- des oxydes d’azote
- du monoxyde de carbone
- de l’acide chlorhydrique
- du dioxyde de souffre
- des dioxines de furanes
- du mercure
On y retrouve également le formaldéhyde qui est produit par la combustion du formol, utilisé pour l’embaumement. Evidemment, les fours d’un crématorium sont équipées de filtres qui permettront (quand ils ne sont pas courcircuités par l’utilisation de « bypass » dont ils sont équipés) de capter l’essentiel de ces pollutants. Mais le peu qui pourrait passer pourrait donc finir assez facilement (compte tenu de la proximité des sources) directement dans l’eau potable.
Ces risques de polution et la situation géographique du projet inquiètent légitimement des collectivités comme Eaux du Bassin Rennais qui a récemment fait par de ses interrogations sur plusieurs points « zone d’implantation, proximité du cours d’eau et de la zone humide, impact du stationnement, dimensionnement du dispositif d’assainissement. » et la Commission Locale de l’Eau (CLE) donnera un avis étayé compte tenu (notamment) des risques liés au déversement des eaux pluviales dans les sources ou est captée l’eau potable.
Un article de La Chronique publié le 16 avril 2024 évoquait la possibilité que ce projet tombe à l’eau.
Carte issue du site geocouesnon.bassin-couesnon.fr/geocouesnon montrant la présence de 2 zones humides sur le site de la ZA de la gare à Saint Germain en Coglès.
Saint Germain en Coglès peut-elle accueillir plus de 28000 véhicules supplémentaires par an ?
Saint Germain en Coglès est une commune rurale de 2071 habitants le long de la D155 (axe Fougères – Maen Roch). On peut donc dire sans que cela soit péjoratif qu’il s’agit d’une petite commune rurale.
La société GENERYS, dans sa réponse à la consultation lancée par la commune de Saint Germain en Coglès, a éstimé son activité sur une année a 936 crémations par an réparties sur 260 jours de fonctionnement du site.
Dans sa déclaration à le DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), GENERYS indique qu’une crémation c’est entre 10 et 100 véhicules, en moyenne 30 véhicule a se rendre sur place puis à quitter la zone d’activité (sans prendre en compte les véhicules des salarié.e.s et des prestataires comme les corbillards, fleuristes, traiteurs…) et ce 3 à 4 fois par jour.
Cela fait donc 28080 véhicules à entrer et sortir de la zone d’activité de la gare lorsque le crématorium sera en activité soit 108 véhicules supplémentaires par jour a faire l’aller-retour dans la zone. Soit 16% de circulation en plus sur une route (la D105) qui n’est pas créé pour un tel flux.
D’ailleurs … l’association Bien vivre à la gare à fait un test grandeur nature début 2024 🚗 🚙 🚕.
Ca donne quoi un convoi de 26 véhicules se rendant dans la zone d’activités ? Réponse : un sacré bordel ! (et rappelez-vous, 26 véhicules c’est le nombre de véhicule qui entreront et resortiront de la zone 3 à 4 fois par jours 😅).
En arrivant de la D155 (de l’A84) vers la zone d’activité de la gare, à peine arrivé a 20 véhicules (18), il faut choisir entre :
- rouler sur les zebras (ce qui est interdit)
- bloquer la circulation sur la D155 (Fougères – Maen-Roch)
Côté départ de la zone pour rejoindre l’A84, même si la file d’attente sur la D105 peut géner la circulation des véhicules voulant se diriger vers la zone (la route est étroite), il ne faut « que » 3 minutes pour faire passer le convoi (c’est long 3 minutes …)
Pour quitter la zone et se diriger vers Fougères … bonjour la galère.
Comme dit plus haut, la D105 (qui mène vers la zone d’activités) est un axe étroit. Il ne faut pas moins de 8 minutes pour permettre au convoi de passer en créant plusieurs situations dangeureuses.
Au delà des riverain.e.s, c’est l’ensemble des habitants de la commune de Saint Germain en Coglès et des usagers de la route qui seront impactés. Je leur souhaite bien du courage 😰.
Encore une fois, un crématorium dans le Pays de Fougères est un projet qui répond à un réel besoin pour notre territoire et il ne s’agit pas de le rejeter. Il faut simplement se rendre à l’évidence qu’il n’a pas sa place dans une commune de cette taille.
Un crématorium dans le Pays de Fougères, un projet « pas interressant » pour Couesnon Marche de Bretagne ?
Bon ok, le titre est un peu provocateur … mais quand même ! L’association le répête, des élu.e.s à Fougères (20000 Maires pour Fougères) le rappelaient lors du conseil municipal de Fougères en décembre 2022, et je l’ai beaucoup dit dans cet article : oui, il faut un crématorium dans le Pays de Fougères !
Eric Besson avait d’ailleurs répondu lors de ce conseil municipal que Fougères « ne se positionne pas dans la construction d’un crématorium municipal qui requiert par ailleurs la mise à disposition d’espaces importants dont nous ne disposons guère » (visiblement, les « espaces importants » se trouvent à Saint Germain en Coglès 😅).
Mr Besson informait également qu’une réflexion sur un tel projet était actuellement en cours à Fougères Agglomération « à la suite de la sollicitation d’un porteur de projet auprès de Fougères agglomération ». Enfin, Patrick Manceau (président de Fougères Agglomération et élu fougerais) confirmait mener une réflexion sur le sujet. Nous étions en décembre 2022.
Il me semble utile de préciser ici que la zone d’activité de la gare à Saint Germain en Coglès appartient à la communauté de communes de Couesnon Marches de Bretagne (CMB).
Dans le projet, CMB a vendu les 2 parcelles concernées par le projet à la commune de Saint Germain et ce sont les élu.e.s de la commune qui pilotent, seul.e.s, le projet avec la société GENERYS. D’ailleurs, cela aura permis a CMB, sollicité par l’association Bien vivre à la gare, de répondre que le projet ne concernait pas leur communauté de communes 🤡. Amusant non … ?
L’entité administrative du Pays de Fougères a été coupé en deux il y a quelques années pour devenir d’un coté Fougères Agglomération et de l’autre Couesnon Marche de Bretagne. Les 2 communautés de communes ont encore des liens comme le Schéma de Cohérence Térritoriale SCoT. Comment imaginer que pour un projet dont tout le monde s’accorde sur son intérêt pour nos territoires, les 2 collectivités ne puissent pas travailler en commun ?
On peut s’interroger sur l’opacité qui reigne à Couesnon Marches de Bretagne autour de ce projet. En effet, il semble qu’il n’y ait eu aucune discussion officielle en conseil communautaire, bureau ou commission environnement autour du devenir des parcelles vendues à la commune de Saint Germain en Coglès et du projet de crématorium. C’est d’autant plus surprenant qui si les terrains sont bien devenus la propriété de la commune, les infrastructures comme la voirie sur la zone, l’assainissement ou la gestion des eaux pluviales (dont je soulignais l’importance un peu plus haut) restent à la résponsabilité de Couesnon Marches de Bretagne. Pour le développement du territoire, y-a t’il encore un pilote dans l’avion ?
« Bien vivre à la gare », une association citoyenne qui se heurte au mépris des élu.e.s.
Avant de rédiger cet article, j’ai rencontré des membres de l’association Bien vivre à la gare.
Nous avons échangé et je retiens de cette échange plusieurs choses. Une nouvelle fois, une association citoyenne qui s’est créé autour des interrogations de plusieurs de ses membres, concerné.e.s par un projet d’aménagement du territoire se heurte à une forme de mépris de la part des élu.e.s de sa commune ou de son agglomération.
Après une première réaction de la part des élu.e.s qui en dit long sur la volonter d’associer les citoyen.ne.s au projet : « Ça ne nous arrêtera pas, à chaque fois qu’il y a un projet, il y a des gens qui sont contre« , il aura fallu attendre 6 mois pour que l’association puisse être reçue par ses élu.e.s.
Lire aussi : Liberté d’opinion : un droit respecté dans le Pays de Fougères ?
Il faut bien comprendre qu’avant de prendre la parole publiquement, l’association a énormément documenté ses recherches. J’ai eu accès à cette base et elle est riche d’informations.
Par exemple, je soulignais plus haut mon étonnement de voir Couesnon Marches de Bretagne laisser la commune de Saint Germain en Coglès gérer seule un tel projet. Il ne s’agit pas de remettre en cause la volonté des élu.e.s locaux dans le développement de la commune mais sont-ils.elles suffisament armé.e.s pour le faire ?
Par exemple, la société GENERYS affirme aux élu.e.s que les points soulignés par la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) dans un arreté prefectoral sont « anécdotiques », qu’il y a systématiquement une demande d’évaluation environnementale et que l’enquête publique devrait démarer au printemps. Les élu.e.s ne peuvent que croire cette société dont c’est le métier d’installer des crématoriums. L’association à pu rencontrer Mr Gilles Traimond, sous-préfet de Fougères-Vitré qui disait exactement l’inverse sur ces deux points.
- Les éléments soulignés par la DREAL sont loin d’être anecdotiques et la demande d’évaluation environnementale n’est pas systématique.
- Il y a encore beaucoup d’étapes avant l’enquête publique qui ne devrait pas avoir lieu avant la rentrée.
Un tel projet ne peut être laissé à la main d’un investisseur privé sans la puissance d’une collectivité veillant au respect des règles environementales pour le controler et c’est un peu ce qui est en train de se passer dans ce projet.
Une nouvelle fois, que des citoyen.ne.s se mobilisent pour un projet d’aménagement du territoire est une excellente chose et un vrai signal positif pour la santé de la démocratie locale. Que des élu.e.s refusent de les associer au projet et s’opposent à la prise en compte des arguments qu’ils.elles avancent l’est beaucoup moins.
En conclusion, je vous invite à prendre connaissance de l’interview du secretaire de l’association diffusée sur Radio Soleil 35 en fin d’année dernière.
Si vous souhaitez plus d’informations sur le projet, accéder à l’espace documentaire ou participer à l’une de leur réunion d’information, n’hésitez pas à contacter l’association par mail bienvivrealagare@gmail.com.
Un flyer réalisé par l’association ayant pour but de présenter le projet et les arguments légitimes contre un tel projet à Saint Germain en Coglès à été distribué aux habitant.e.s de la commune en juin 2024 et transmis à de nombreuses personnes :
- Monsieur le Préfet d’Ille-et-Vilaine
- Loig Chesnay Girard, Président de Région
- Jean-Luc Chenut, Président du département Ille-et-Vilaine
- Yann Soulabaille, Vice-Président du Département en délégué à la biodiversité, aux espaces naturels sensibles et à l’eau
- Sophie Del Frate, Responsable du pôle Eaux Destinées à la Consommation Humaine
- Michel Demolder, Président du Comité syndical et du bureau de la collectivité Eau du Bassin Rennais
- Pascal Pinault, Vice-Président du bureau de la collectivité Eau du Bassin Rennais, en charge du bassin versant du Haut Couesnon et des Drains du Coglais
- Magali Grand, Eau du Bassin Rennais responsable du Pôle – Chargée des Drains du Coglès,
- Denis Lahaye chargé du suivi des périmètres de protection du captage
- Joseph Boivent, Président de la commission Local de l’Eau du SAGE Couesnon
- Sylvie Le Roy, directrice du SAGE Couesnon
- Daniel Salmon, Sénateur
- Patrick Manceau, Président de Fougères agglomération
- Catherine Diserbeau, Cheffe de service et responsable de la MISEN
- Aurélie Mestres, Directrice adjointe de la DREAL
- André Robinard et Sébastien Jego, la Passiflore
- Pauline Pennober, eau et rivières de Bretagne
Mise à jour au 4 juillet 2024 :
Le 27 juin 2024, la MRae (Mission Régionale de l’Autorité Environnementale) a rendu un avis suite à la demande demande du préfet concernant le projet de crématorium à Saint Germain en Coglés (cet avis sera ajouté aux éléments de l’enquête publique et porte sur la qualité de l’évaluation environnementale réalisée par les porteurs du projet).
L’autorité environnementale souligne par exemple que la présentation technique du projet, l’analyse de la biodiversité du site, la composition du voisinage, l’étude sur la gestion naturelle des écoulements, l’environnement sonores et atmosphérique sont « particulièrement lacunaire« . Elle ajoute également que « le choix de l’emplacement du projet au regard des effets sur la ressources en eau potable mérite d’être justifié ».
Au regard de cet avis, comment ne pas avoir la sensation que l’étude de ce projet a été faite à la va-vite par la société Generys et que la Mairie de Saint Germain en Coglès n’a pas porté une attention suffisante au travail (pourtant énorme) de l’associaiton Bien vivre a la Gare ?
Le Maire de la commune (Mr Daniel Helbert) semble faire fi de ces éléments en espérant que l’enquête publique débute à partir de septembre. Compte-tenu de l’éclairage majeur apporté par cet avis, cela semble impossible sauf à ignorer les réponses apportés par la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale.
Si Mr Helbert souligne à raison « l’intérêt d’un tel équipement pour le Pays de Fougères« , il ne doit pas oublier qu’aucun intérêt privé ne doit être supérieur aux intérêts des habitants de sa commune. Ce projet doit être discuté et étudié à l’échelle des territoires de Couesnon Marches de Bretagne et de Fougères Agglomération.
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