La liberté d’opinion est une liberté fondamentale inscrite dans la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Elle doit s’imposer à tous et toutes. Mais est-ce vraiment le cas dans le Pays de Fougères ?
A l’image de ce qui se passe au niveau national et dans probablement nombre de territoires, force est de constater que ce droit essentiel pour une démocratie n’est pas toujours respecté. Entre limitation de la parole des oppositions réduisant ainsi la qualité et la pertinence des débats, rétention d’informations et discrimination politique, parlons de ce danger qui pèse sur notre démocratie locale.
Liberté d’opinion, de quoi parle-t-on ?
Nous parlons d’une liberté qui permet d’assurer à toute personne la possibilité de penser comme elle l’entend. Cette liberté fondamentale agit dans le champ de la vie politique mais aussi dans la religion.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi. »
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (article 10).
La liberté d’opinion est indissociable de :
- la liberté d’expression qui permet de s’exprimer sans qu’il puisse y avoir d’ingérence d’autorités publiques.
- la liberté d’association qui a pour sens de rendre possible le regroupement d’individus en association afin de mettre en commun leurs connaissances ou leur activités dans un but non lucratif.
- la liberté de manifestation qui permet de soutenir une cause ou des idées et de les exprimer collectivement dans la rue dans le respect du droit.
La liberté d’opinion est censée permettre à tous.tes les citoyens.nes de pouvoir participer à la vie publique sans que lui soit reproché ses idées, ses opinions ou sa religions. En lisant la presse, en participant à des réunions publiques, des conseils municipaux, en intérrogeant des élu.e.s sur différents sujet, je constate dans le Pays de Fougères (comme dans d’autres lieux) que faire partie d’une opposition ou simplement avoir des opinions peut clairement compliquer l’application de ces libertés fondamentales.
Exprimer ses opinions : le difficile capacité d’expression d’un.e élu.e d’opposition
Temps de parole (très) limité, débat quasi-impossible, retard (volontaire ?) dans la transmission de documents de travail, accusation grave et mensongère dans la presse … voila une partie du travail d’un.e élu.e d’opposition sur le territoire du Pays de Fougères.
Par exemple, à Maen-Roch (à coté de Fougères), les élu.e.s de la liste d’opposition « Avec vous pour Maen-Roch » (5 élu.e.s sur 29) dénonçaient dans Ouest-France en mai 2022 des difficultés pour accéder aux informations sur certains dossiers gérés par le conseil municipal, la monopolisation de la parole par Mr le Maire, un manque de transparence de la majorité au conseil municipal.
Dans les faits, 35% des habitant.e.s de la commune ont voté pour cette liste d’opposition. Est-ce démocratique que d’empécher leur travail d’élu.e.s ?
Le conseil municipal : un lieu de débat d’opinions ?
Sur Fougères, le constat est le même, même si à ma connaissance, les élu.e.s d’opposition ne se sont pas exprimé publiquement sur ce sujet.
Depuis sa création en 2022, je participe aux activités de l’association 20000 Maires pour Fougères qui est une association citoyenne qui soutien l’action des 3 élu.e.s issu.e.s de la liste du même nom au conseil municipal de Fougères. Je me suis également engagé lors des dernières élections législatives dans le cadre de la campagne d’Hélène Mocquard, candidate NUPES pour la sixième circonscription d’Ille et Vilaine et dans le cadre de ses actions, j’ai pu constaté certaines choses qui illustrent une dérive visant à empêcher la parole des oppositions.
Par exemple, au conseil municipal, les élu.e.s d’opposition ont peu la parole. Ils.elles ont cependant la possibilité de faire des questions orales afin de questionner le Maire sur ses actions (dans l’idée, c’est une bonne chose).
Concrètement, un.e élu.e doit déposer au plus tard à 12h l’avant-veille de la réunion sa question afin que le Maire (ou un membre de la majorité) lui réponde (article 31 du règlement interieur du Conseil Municipal).
On peut déjà se questionner (sans forcément le remettre en cause) sur cette obligation. En effet, la réponse du Maire ou du représentant de la majorité ne serait-elle pas plus sincère sans ce délai ? Il y a débat.
Le point qui me gène le plus est le suivant :
L’article 33 du règlement intérieur cadre la facon dont le débat pourrait se faire suite à une question orale. Le conditionnel est de mise. En effet, le débat n’est possible « qu’a l’initiative du -de la- président.e de séance.
Concrètement cela donne souvent le schéma suivant :
- une question de l’opposition sur un sujet qui touche la politique de la ville
- une réponse du maire parfois sur le fond mais très souvent déformant les propos ou volontairement imprécise
- la fin du « débat »
Vive le débat 🥳
A Luitré-Dompierre, l’obstruction du Maire empèche l’opinion éclairé de son conseil municipal.
A côté de Fougères, le projet de d’abattage des 6 hectares de forêt au profit d’un projet de photovoltaïque privé fait parler de lui depuis maintenant plusieurs années (j’en parlerai très bientôt). Il ne s’agit pas ici de parler des arguments légitimes qui justifient de lutter contre un tel projet.
En août 2022, avec Europe Écologie Les Verts, nous avons souhaité adresser un courrier aux élu.e.s du conseil municipal de Luitré-Dompierre (Mr Michel Balluais, Maire et Vice-président délégué à l’activité et a l’emploi à Fougères Agglomération, mais aussi à l’ensemble de son conseil). Ce courrier avait pour but d’interpeller les élu.e.s sur les conséquences de la validation d’un tel projet.
Après lecture des procès-verbaux de conseils municipaux ayant suivis l’envoi de cette lettre et échange téléphonique avec du personnel de la mairie, il apparait que ce courrier n’a simplement pas été transmis au élu.e.s municipaux.ales.
Quelques-soient l’intérêt qu’aurait porté les élu.e.s a nos arguments, que ce courrier, écrit par une organisation politique présente sur le territoire de la commune, ne soit pas transmis aux membre du Conseil Municipal est une atteinte à la liberté d’opinion des opposant.e.s à ce projet.
Il est important de noter que les riverain.e.s et associations qui se mobilisent contre se projet sont confrontés au même problème.
Pour imposer son opinion sur un adversaire politique, le Maire de Fougères tombe facilement dans la caricature.
Lors de la campagne législative de 2022, Mr Feuvrier, Maire de Fougères s’est rangé du côté de Thierry Benoit, soutenant le programme porté par Emmanuel Macron. Jusque-là, mise a part un grand écart idéologique entre son soi-disant programme « divers gauche et centre » et le programme de droite libérale du président Macron, rien de vraiment grave.
Ce qui est contestable est encore une fois les mots utilisés pour discréditer la candidate de la Nouvelle Union Populaire Economique et Sociale. Présenter Hélène Mocquard comme une candidate qui « s’oppose de manière radicale au projets de la ville » est « sementiquement » caricatural.
Qu’il y ait des désaccords entre une élue d’opposition et le Maire est une chose, tomber dans la caricature en est une autre (pas des plus intelligente).
Nous n’avions pas manqué de lui répondre sans détour à l’époque pour fustiger son soutien à Thierry Benoit.
Pour Fougères Agglomération, avoir des opinions n’est pas compatible avec la participation à une instance citoyenne.
Le titre pourrait paraitre racoleur mais c’est bien ce qui m’a été répondu par le secrétariat du Conseil de Développement de Fougères Agglomération lorsque j’ai fait acte de candidature en avril 2022 pour participer à cette instance citoyenne « représentative » (en tout cas en théorie) de l’agglomération et qui à pour mission d’aider les élu.e.s dans leurs prises de décision en leur apportant des points de vue, des avis sur des thèmes dont le conseil se saisi.
Après une réunion publique qui s’est tenu le 6 avril pour présenter le projet de rénovation-extension du Couvent des Urbanistes à Fougères (afin de faire part de fortes intérrogations sur ce projet aux élu.e.s et par la suite participer à la rédaction du communiqué de 20000 Maires pour Fougères sur ce sujet), j’ai été interpellé par un membre du Conseil de Développement. Il m’expliquait que l’instance devait se compléter et que dans la mesure ou je m’étais penché sur le Plan Climat Air Energie Territorial de l’agglomération et que je m’interessais de près aux projets du territoire, je devrais candidater à cette instance.
Sur le site de l’agglomération, on peut lire que le Conseil de Développement est « composé de 21 membres représentatifs du territoire et des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques et environnementaux ».
J’ai donc candidater le 14 avril afin de pouvoir être reçu par l’élue communautaire en charge de ce sujet (Mme Alice Lebret, conseillère municipale à Fougères). La réponse fut sans appel :
« Notre règlement de recrutement exclue toute personne membre d’une association et/ou d’une organisation politique ».
Le secrétariat du Conseil de Développelent de Fougères Agglomération.
Est-ce respectueux de la vie démocratique et du principe de liberté d’opinion que de refuser de rencontrer une personne candidatant à une instance citoyenne voulant être représentative du territoire sous le seul prétexte de son engagement politique ? Clairement non.
Pour la petite histoire, j’ai demandé copie du règlement en question. Evidemment, il ne faisait pas état de l’exclusion de toute personne membre d’une association et/ou parti politique. Peut-être parce que cela irait clairement à l’encontre du principe de liberté d’opinion inscrite dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ? 😉.
Discrimination : Action de discerner, de distinguer les choses les unes des autres avec précision.
La discrimination de deux choses, entre deux choses.
Comment défendre la liberté d’opinion dans le Pays de Fougères ?
Je ne pense pas qu’il y ait, aujourd’hui, une recette garantissant l’application stricte de ces libertés … Pourtant, c’est d’autant plus nécessaire dans cette période trouble où la démocratie est en danger : il faut préserver notre liberté d’opinion.
Des pistes pour y arrive ? Je suis convaincu par la force des mouvements collectifs. Notre territoire regorge d’associations permettant à toutes les idées de s’exprimer. D’ailleurs, la ville de Fougères met à dispo sur son site un annuaire des associations. Toutes n’y sont pas mais c’est un début 😉
On l’a vu par le passé, les mouvements organisés collectivement et pouvant aller jusqu’à la lutte (Notre Dames des Landes, Sainte Soline ou Bridor, juste à côté de chez nous …) peuvent faire bouger les lignes.
« Le rassemblement des citoyens dans des organisations, mouvements, associations, syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée bien structurée ».
Vaclav Havel – Ancien président de la République Tchèque.
Le dernier point qui me tient très à coeur est un sujet clivant : le vote 🗳️
Un bon moyen selon moi pour qu’un territoire (de la commune à la nation) fonctionne avec des valeurs proches des notres est de voter pour des personnes proches des mêmes valeurs.
Non, voter pour un candidat n’est en aucun cas lui donner un blanc seing ou cautionner l’intégralité de son programme. C’est simplement faire un choix en cohérence avec vos convictions. Dans une période ou la désinformation, les racourcis simplistes et souvent la malhonnêteté intelectuelle rythme les actualités, il est essentiel de ne pas laisser les autres décider pour vous. Votez 💪
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