« Ce qui se mesure s’améliore ». Il s’agit d’une citation que j’ai retenu de mes études et que j’aime utiliser professionnellement. Cela fait pas mal de temps que je m’intéresse à la situation de Fougères Agglomération, le territoire où je vis avec mes enfants toujours dans l’optique de trouver comment l’adapter, l’améliorer. Agriculture, l’artificialisation des sols et l’alimentation, à l’instar du dernier article sur la place de la nature au niveau du département d’Ille et Vilaine, j’ai trouvé quelques ressources pour faire un état des lieux intéressant sur la situation de notre territoire. Les informations que vous trouverez dans cet article seront sourcées, histoire d’éviter de mauvaises accusations 😉.
Fougères Agglomération, de quel territoire parle-t-on ?
D’un point de vue strictement géographique, Fougères Agglomération est un territoire de 28 communes où vivent 56000 habitant.e.s sur une surface de 55000 hectares aux portes de la Bretagne, au nord de Rennes, entre la Manche et la Mayenne.
D’un point de vue administratif, il s’agit d’un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) dont les objectifs (issus de son site internet) sont :
- assurer l’équilibre du territoire et ses liens de solidarité pour un développement partagé
- maintenir le lien de proximité de ses services avec la population
- assurer le développement économique
- garantir la qualité de vie et la qualité de l’environnement
- … (oui, même les 3 petits points sont issus du site).
Une fois les objectifs connus, il est déjà plus facile de commenter les décisions politiques prises par l’agglomération, vous ne trouvez pas ?
Fougères Agglomération est « pilotée » par un conseil d’agglomération qui a été élu en juillet 2020 composé de 58 élu.e.s titulaires et 22 suppléant.e.s. A noter que sur la liste affichée sur le site internet de l’agglo le 5 mars 2024, 21 de ces élu.e.s sont des élu.e.s fougerais.es. Vous pouvez facilement comprendre pourquoi il est important pour moi d’assister aux séances du conseil municipal de Fougères. Vous devriez essayer d’ailleurs, c’est assez instructif et loin de ce qu’on peut lire dans la presse.
L’agglomération fougeraise : une terre d’agriculture. Mais quelle agriculture ?
Pendant un jour de vacances, je suis tombé sur une vidéo assez surprenante du média Blast qui présentait le travail de l’association SOS Maires. Cette association a créé une une infographie pour comprendre la mainmise des mondialistes et du capitalisme de connivence sur notre alimentation et notre santé.
Sur leur site, ils mettent à disposition CRATer, un outil de diagnostic au service de la transition agro-alimentaire des territoires. Voici donc quelques chiffres qui ressortent de cet outil concernant l’agriculture sur le territoire de Fougères Agglomération.
Il me semble déjà utile de préciser que le but n’est pas de taper sur les agriculteurs.rices mais plutôt de souligner les points qu’il faudrait analyser et peut-être modifier pour adapter le territoire de l’agglomération aux changements liés au réchauffement climatique, la crise agricole, celle de l’alimentation et à l’effondrement de la biodiversité.
📊 La surface agricole utile par habitant est de 7200m2, cette surface serait suffisante pour nourrir l’ensemble de ces habitant.e.s mais 83% de la surface est utilisée pour la production d’aliments destinés à l’élevage.
🧑🏽🌾👨🏻🌾 La part des actifs.ves agricoles permanent dans la population totale est de 3% (-6% entre 1988 et 2010). 59% des chef.fe.s d’exploitation ont plus de 50 ans. Le nombre d’exploitation a chuté de 65% entre 1988 et 2010 en passant de 2500 à 870 alors que la surface agricole utile totale de ces exploitations est passée de 37 000 ha en 1988 à 33 000 ha en 2010 soit une évolution de -12%. En synthèse, la taille des exploitations à été multiplié par 2,5 sur cette même période passant de 15ha à 38ha.
🌾 97% de la production se concentre sur le fourrage (30000ha de surface agricole) et les céréales (9100ha de surface agricole). Plus de 90% de la production est exportée alors que dans le même temps, + de 90% de la consommation sur le territoire est importée. Seulement 6,4% de la surface agricole utile est utilisée pour l’agriculture bio (ou en cours de conversion). C’est moins qu’en Ille et Vilaine (7,43%), en Bretagne (7,6%) et qu’en France (8,86%). Le score HVN (Haute Valeur Naturel) est de 12/30. Il s’agit d’un score permettant de caractériser les systèmes agricoles qui maintiennent un haut niveau de biodiversité. Les pistes de travail pour améliorer ce score (selon SOLAGRO, les créateur de cette classification) sont :
- La réduction de l’intensité des cheptels
- La réduction des intrants chimiques
- Une meilleure gestion des infrastructures agroécologiques
☣️ Le nombre moyen de traitements de pesticides utilisés à leur dosage maximal autorisé que reçoivent les terres agricoles du territoire est passé de 1,8 en 2017 à 2,2 en 2020 et le nombre de traitements « moyens » appliqués annuellement sur l’ensemble des cultures est passé de 73000 en 2017 à 87000 en 2020.
💧 Les prélèvements en eau sont en baisse de 10% entre 2012 et 2020.
Avec ces éléments plutôt factuels et précis, nous pouvons tous et toutes nous faire une idée sur le modèle agricole majoritaire sur le territoire de l’agglomération. Compte-tenu du débat actuel sur l’agriculture et l’alimentation, ces éléments peuvent nous permettre de réfléchir ensemble sur les directions à prendre.
Artificialisation des sols à Fougères Agglomération : visiblement, les élu.e.s kiffent le béton 🏗️
Le titre aurait tendance à mettre tous les élu.e.s dans le même panier mais l’idée est simplement de rappeler que ce sont les élu.e.s à l’agglomération qui portent la responsabilité de l’aménagement de territoire, et cela pour 2 raisons :
- Ils.elles sont élu.e.s à l’agglomération et peuvent donc voter (ou non) les projets.
- Ils.elles sont aussi élu.e.s dans leurs communes.
C’est un fait, l’artificilisation des sols à des impacts reconnus sur le réchauffement climatique, la biodiversité, l’eau. C’est pour ces raisons que ce sujet reviens régulièrement sur la table comme dans le cadre du projet de centrale photovoltaïque de Montbelleux ou les grands projets routiers comme la rocade nord de Fougères. D’ailleurs, dans son Plan Climat Air Energie Territorial adopté en 2022, Fougères Agglomération s’est engagé (dans l’action 6.4 du texte) à « limiter l’imperméabilisation des sols et expérimenter des solutions de désartificialisation » en précisant l’objectif de « promouvoir des innovations urbaines en vue de lutter contre l’artificialisation des sols. ». Je vous laisse vérifier page 17 de la synthèse du document).
On pourrait se dire que les promesses n’engagent que celles et ceux qui les croient mais les enjeux sont trop importants pour laisser faire. C’est indéniable, les élu.e.s de Fougères Agglomération n’ont pas encore pris conscience de la nécessité de stopper cette course à l’artificialisation.
Quelques chiffres 📊 :
Entre 2009 et 2021, l’agglomération a consommé 349,5ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers (199,3ha entre 2014 et 2021) soit 26,9ha/an. Sources mondiagartif.beta.gouv.fr – 2021 est la dernière année disponible.
Ce n’est pas une nouveauté puisqu’en janvier 2018, dans l’observatoire foncier du cabinet Audier, Fougères Agglomération apparaissait déjà classée 6ème sur les 18 EPCI du département en terme de consommation d’espace.
Le diagnostic CRATer précise qu’entre 2013 et 2018 110 ha ont été artificialisés soit 0,2 % de la superficie totale du territoire et que l’équivalent de 0,3% de la surface agricole a été artificilisé en 5 ans soit 32 terrains de football par an.
L’habitat n’est pas la seule cause de l’artificialisation des sols à Fougères Agglomération.
On pourrait penser que la nécessité de loger les habitants de l’agglomération est responsable de cette « bétonisation » mais ce n’est pas le cas. CRATer précise qu’ en 2018, la parts de logement vacant est de 8,6% soit très supérieure aux moyennes départementales 6,7%, régionales 7,4% et nationales 7,7%. Même s’il est nécessaire de repenser l’implantation des habitations sur le territoire (par exemple en le densifiant ?) l’artificilisation élevée n’est donc pas seulement liée à une problématique de logement de la population comme le montre la répartition disponible sur mondiagartif.beta.gouv.fr.
Avec 121,5ha artificialisés, le routier et les activités représentent +de 35% de l’artificialisaiton sur le territoire de Fougères Agglomération.
La (pseudo) compensation qui est souvent avancée pour défendre les projets d’artificialisation ne change rien au désastre écologique pour le climat qu’est la déstruction d’espaces naturels.
Une artificialisation inégale sur le territoire de l’agglomération.
Vous le verrez sur la carte, les territoires les plus proches de l’A84 (Rives du Couesnon, Romagné, Saint Sauveur des Landes) et les communes de Fougères et Javené sont les zones où la consommation est la plus importante. Il semble compliqué de demander de stopper immédiatement toute artificialisation des sols mais pour respecter les 5 « grandes ambitions » inscrites dans le projet de territoire de Fougères Agglomération à horizon 2030 que sont :
- l’attractivité territoriale
- la transition écologique
- l’équilibre territorial
- les mobilités
- les solidarités
Il va falloir pour nos élu.e.s être beaucoup plus en phase avec les enjeux de l’aménagement du territoire, le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité en ralentissant drastiquement la course au béton.
Un aménagement du territoire à repenser ?
C’est indéniable, vouloir développer notre territoire « à l’ancienne », en bétonnant à outrance n’est plus possible. Il va être nécessaire pour les élu.e.s de penser différemment l’aménagement de notre territoire. Comme je le disais plus haut, il est clair que développer l’habitat différement qu’en implantant d’immenses lotissements de tous les côtés de nos petites communes ne va plus être possible tant la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers est indispensable.
Il faut aussi sortir du « tout-économique » dans les projets que va soutenir l’agglomération en renonçant par exemple à des projets écocides comme la centrale photovoltaïques de Montbelleux ou la rocade nord de Fougères et se pencher plus efficacement sur d’autres projets comme le retour du train entre Rennes et Fougères (je vous en parle bientôt 🔜) ou l’aménagement commercial de notre territoire. En effet (et pour terminer), le diagnostic CRATer rappelle que dans notre territoire :
- 45% de la population est théoriquement dépendante de la voiture pour ses achats alimentaires (contre 24% à l’échelle nationale) 🚗
- Sur 79% du territoire, au moins la moitié de la population est dépendante de la voiture pour réaliser ses achats alimentaires contre 61% en Ille et Vilaine, 61% en Bretagne et 75% en France.
La questions des mobilités comme le vélo et les aménagements qu’il nécessite et le retour du train sont plus que jamais au goût du jour mais les avancés sur ces thèmes sont pour le moment limitées.
Fougères Agglomération à bien vu passer l’article.
Dans la soirée du 22 mars 2024, j’ai eu un retour de l’agglomération suite à cet article, en tout cas suite à sa publication sur la page Facebook Un Blog Militant. Evidement, ce n’est pas pour me dire qu’ils.elles ont bien pris en compte ces statistiques dans leurs projets pour le territoire, mais seulement pour me demander de retirer le logo de l’image d’illustration de l’article (je vous partage le commentaire).
Il est vrai que l’article a plutôt bien été accueilli par des habitant.e.s du territoire et a même été relayé par l’association SOS Maires (que je remercie une nouvelle fois ici 🙏).
Je suis surpris par la remarque sur l’utilisation du logo car s’agissant d’un EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale), je pensais pouvoir l’utiliser pour relayer des informations sourcées à son sujet. Dont acte, j’ai changé le visuel.
Cet épisode ne m’empêchera pas de travailler.
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