Le conseil municipal du 26 juin 2025, qui se déroulait dans une sérénité agréable et presque inhabituelle, s’est animé lorsque l’hommage souhaité par la municipalité à Mr Jean Madelain à été abordé. Mais que s’est-il passé ?
En résumé, la majorité a décidé de renommer la rue du Champ Rossignol au nom de l’ancienne personnalité politique fougeraise, décédé le 17 mai 2023. Pour cela, les habitant.e.s de la rue ont été convié le 16 juin à une réunion d’information qui s’est tenue le 24 juin, soit 2 jours avant un conseil municipale où la décision apparaissait déjà à l’ordre du jour (point 27).
Une décision qui intérroge sur la considération, par la majorité de Mr Feuvrier, accordée aux riverain.e.s de la rue du Champ Rossignol mais aussi des fougerais.es de manières plus générale. En effet, un hommage pour une personnalité politique, au delà de sa couleur partisane, devrait s’envisager collectivement avec sa famille (qui semble-t-il n’est pas à l’origine de la démarche) et les habitant.e.s de la ville dont il a servi les intérêts plusieurs années.
Je fais cet article pour dénoncer la malhonneteté des propos tenus à ce sujet par certain.e.s élu.e.s lors de ce conseil municipal. En effet, s’il est de notre responsabilité d’accepter des désaccord sur le fond, il me semble essentiel pour la vie démocratique de dénoncer les propos fallacieux qui nuisent aux débats publics.
Rue du Champ Rossignol : une décision imposée qui fait débat
La séance du conseil municipal fut, jusque là, menée « tambour battant » puisque ce point, un des derniers à l’ordre du jour, a été abordé peu avant 21h (pour un conseil qui débute à 20h). Le maire a lancé une prise de parole que j’ai jugé anormalement longue. Mr le Maire étant particulièrement bon orateur, j’avoue avoir été marqué par la redondance de certains propos. Je me dis que si la décision s’imposait d’elle même, une allocution de presque 8 minutes (c’est très long) n’aurait pas été nécessaire. Le plus simple est d’écouter la séquence.
Je vous préviens, la qualité sonore est désastreuse, il vous faudra de l’attention et une grande motivation (le problème a été remonté mais les solutions tardent à vernir).
S’en est suivi des prises de parole des oppositions. Je vous livre une retranscription assez fidèle de celle du groupe 20000 Maires pour Fougères lue par Enki Bedelet :
Tout comme les riverains, nous avons appris il y a quelques semaines que vous proposiez de débaptiser la rue du Champ Rossignol pour la nommer «rue Jean Madelain». C’est parfaitement expliqué dans la délibération et c’est en effet de la compétence seule de la commune de Fougères et donc de votre responsabilité M.Le Maire.
Pourtant, nous portons depuis 5 ans maintenant la volonté de transversalité et de faire confiance aux habitant.es de cette ville. Nous souhaitons qu’ils soient force de proposition. La question de cette dénomination est un exemple flagrant de nos deux visions de la politique municipale.
Les habitant.es de la rue ont reçu l’information par courrier en date du 16 juin les conviant à une réunion au lycée Jean Guéhenno il y a 2 jours, alors même que l’ODJ de notre conseil était déjà fixé !
L’émotion a été grande et l’est toujours quand ils ont appris que, par le fait du Prince, leur rue allait changer de nom pour une inauguration le 27 septembre !
Il y a donc d’un côté des informations toujours descendantes et de plus en plus mal perçues par la population, de notre coté, une volonté de concertation, c’est-à-dire selon le dictionnaire Larousse de « faire précéder une décision d’une consultation des parties »
Voilà pour la méthode.
Alors sur le fond et si on mettait en place cette concertation qu’est ce que cela pourrait donner ?
- Tout d’abord, se rendre compte que les habitants de la rue du Champ Rossignol sont très attachés à ce nom. Je me permets de reprendre les mots d’une habitante : « Cette rue a une histoire, celle de l’agrandissement de ce quartier de Fougères en empiétant sur le domaine encore rural des champs et chemins bordés de haie dont des vestiges ont longtemps subsisté le long de la rue. Changer son nom, c’est effacer cette histoire, qui fait partie de l’histoire de notre ville. C’est aussi une expérience humaine qui s’est transmise des anciens habitants aux nouveaux, permettant le vivre ensemble entre voisins. »
- En 2022, notre groupe avait porté la question de la féminisation des noms de rue et force est de constater que non seulement il n’en est rien mais que la note de ce soir ne va pas dans le sens de l’Histoire.
Nous sommes tout à fait d’accord avec la volonté de rendre hommage à M.Madelain mais nous pensons qu’il y a d’autres moyens :
- Une plaque a proximité de la maison qu’il a habité dans la rue
- Ou alors de nommer la place en travaux dans le nouveau quartier de l’Annexe. Il a en effet dirigé la Cristallerie et c’est aussi un lieu qui aurait du sens.
C’est pourquoi nous demandons instamment que cette délibération soit retirée de l’ordre du jour afin de laisser le temps d’une véritable concertation avec les habitant.e.s sur ce qui relève du patrimoine mémoriel et les touche profondément. A défaut, nous voterons contre.
Antoine Madec, pour la liste « Fougères avec vous » a lu un courrier remis par des riverain.e.s (la séquence est ici). Là encore, c’est bien la forme, plus que le fond de cette décision qui est soulignée. Dans ce courrier, il est notamment regrétté que plusieurs propositions ont été faite par les riverain.e.s mais il est indiqué « qu’aucune suggestion n’a été retenu, la décision finale d’imposer sans concertation approfondie engendrant non seulement des coûts administratifs pour les habitant.e.s mais surtout un sentiment d’injustice et de non-écoute« . Les riverains souligne également le fait qu’un telle décisions aurait pu naturellement être soumise à la reflexion des éco-conseils de quartiers.
Et oui… a croire que la participation citoyenne, sur ce sujet, est plébicitée par les oppositions de gauche (20000 Maires pour Fougères) et même de droite (Fougères avec vous).
Une majorité fougeraise fermée à la participation citoyenne et usant d’arguments malhonnêtes
Après les prises de parole des oppositions, la majorité (le Maire en premier 😅) a voulu répondre et objectivement, on peut douter de l’honnêteté de certains propos.
Le maire reproche tout d’abord le « pas chez moi » … cet argument est facile car il permet de mettre de côté les arguments qu’ils ont pris soin de rédiger. Mr Feuvrier s’attendait à « plus de reconnaissance envers un élu de la République ». Il me semble essentiel ici de rappeler que ce n’est pas le sujet. La contestation ne concerne en aucun car le nom, la personne ou la couleur politique de Mr Jean Madelain. D’ailleurs, plusieurs propositions, à gauche comme à droite, ont été faite pour rendre hommage à l’ancien Maire de Fougères, Sénateur, Conseiller Général … mais il est plus aisé de réduire les arguments des citoyen.e.s pour tenter de les faire disparaitre.
Mr le Maire a également indiqué « être totalement a disposition pour accompagner les riverain.e.s ». Il répond ici aux éventuelles contraintes administratives en mettant un voile sur le véritable reproche fait par les habitant.e.s de la rue du Champ Rossignol : l’absence de concertation.
A quoi pouvait-il s’attendre en convoquant le 16 juin les habitant.e.s de la rue à une réunion d’information le 24 pour imposer une décision déjà à l’ordre du jour d’un conseil municipal le 26 soit deux jours après ?
Louis feuvrier proposa alors a sa majorité de prendre la parole. Un fait pas si anecdotique car c’est rare qu’il propose de prendre la parole. Cela permettra d’ailleurs d’entendre (et c’est très rare) d’autres élu.e.s comme Mme Carré (dont les propos ont été repris par La Chronique, cf article en haut de l’article) et Mr Manceau, élu à Fougères et président de Fougères Agglomérations … mais j’en reparle plus tard.
Jean-Christian Bourcier prendra la parole et franchement (il le sait car je lui ai dit), c’est indigne de tomber dans ce genre de malhonnêteté … il interpella donc les 2 élu.e.s du groupe 20000 Maires pour Fougères présent.e.s ce soir là.
« Demain quand vous remporterez les élections et que vous organiserez un atelier citoyen pour renommer une rue et qu’elles voteront pour Jacques Chirac ou pour Rachida Dati » – Jean Christian Bourcier (écouter la séquence 🔉)
Mr Bourcier utilise là un procédé sémantique des plus malhonnêtes : L’Homme de Paille 👎
Cette technique consiste à caricaturer ou déformer l’argument de l’adversaire, pour ensuite le refuter plus facilement. Plutôt que de répondre à ce qui est réellement dit, on répond à une version simplifiée, exagérée ou totalement détournée (c’est la cas ici) du propos initial.
Ici, personne n’a demandé un vote populaire sur le choix d’un nom pour la rue du Champ Rossignol. La rue a déjà un nom et des citoyen.ne.s, par la voix de 2 oppositions présent.e.s au conseil municipal, viennent de rappeler leur attachement à ce nom. La question posée n’aurait donc pas été « quel nom choisir pour renommer la rue ? », mais par exemple « comment les habitant.e.s souhaitent rendre hommage à Jean Madelain ? »
En déformant ainsi le propos, la majorité évite le vrai débat : la méthode choisie. Car ce qui indigne, ce n’est pas tant le nom proposé que l’absence totale de consultation avec les habitants de la rue et, plus largement, avec les Fougerais.
Pour mieux comprendre ce sophisme de l’Homme de Paille, voici une vidéo intéressante sur le sujet.
Mme Lefeuvre, qui a exprimé physiquement une très forte désaprobation lorsque l’élu 20000 Maires pour Fougères à prononcer les mots « consultation citoyenne » a voulu défendre l’argument que la rue du Champ Rossignol était la rue de Jean Madelain. « C’est SA rue » a-t-elle défendu (en parlant de Jean Madelain). Un argument très surprenant car quand bien même il est à l’origine, en tant que Maire, de la création de cette rue, pourquoi parler de la sienne ? N’est-ce pas méprisant pour les personnes qui habitent la rue ? Le Maire avait d’ailleurs rappelé un peu plus tôt que « la rue était un espace public qui ne concernait pas que les riverains mais l’ensemble des fougerais.e.s ». En plus d’être dédaigneux envers les riverain.e.s, ce n’est pas très cohérent avec les propos de Mr Feuvrier.
Enfin, Mr Patrick Mancean, élu fougerais et président de Fougères Agglomération a voulu s’exprimer pour regretter que la contestation soit portée par des élu.e.s et pas par des citoyen.e.s lorsque le Maire coupe la séance pour permettre des prises de parole… celle-là, elle a failli me faire tomber de ma chaise, je m’explique :
- C’est aussi le rôle d’un.e élu.e de porter la parole des habitant.e.s de la ville et même si c’est une belle possibilité qui est offerte par le Maire de pouvoir s’exprimer en tant que citoyen.ne.s lors du conseil, je suis bien placé pour savoir avec quelle violence, quel mépris et quelle malhonnêteté il peut répondre. Ça peut disuader certaines personnes de venir.
En mai 2023, les habitant.e.s du quartier Saint Sulpice ont essayé … souvenez-vous … - On peut comprendre que les habitant.e.s n’aient pas eu envie de venir. Ils.elles venaient de se faire inviter à une réunion d’information deux jours avant un conseil municipal dont la décision est déjà inscrite à l’ordre du jour. En terme de considération on peut largement mieux faire.
- Enfin, entendre le président de Fougères Agglomération parler de participation citoyenne me rappelle comment la liberté d’opinion est bafouée dans la collectivité qu’il dirige. J’ai déjà rédigé un article où je parlais de la liberté d’opinion dans le Pays de Fougères et j’avais déjà abordé ce sujet.
En avril 2022, après ma participation à une réunion publique, un membre du conseil de développement de Fougères Agglomération m’a proposé, vu mon intérêt et ma connaissance de certains sujets touchant à l’agglomération, de candidater à l’instance dans laquelle une place était vacante. Je l’ai fait et voici la réponse …
Bien entendu, un tel règlement intérieur n’existe évidemment pas. C’est l’occasion de rappeler à Mr Manceau qu’il n’est pas légal pour Fougères Agglomération de refuser la candidature d’un citoyen à une instance participative au seul motif de son appartenance politique, car une telle décision contrevient :
- au principe d’égalité devant la loi (article 1er de la Constitution française)
- à la liberté d’opinion politique (article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789)
- au principe de non-discrimination (article 225-1 du Code pénal, qui interdit les discriminations fondées sur les opinions politiques dans l’accès à un droit ou un service).
Donc entendre ces propos dans la bouche de Mr Manceau m’a doucement amusé. Je lui concède qu’il n’est pas nécessairement responsable de ce fait car c’est Alice Lebret, autre élue à Fougères, à l’agglomération et candidate à la Mairie pour 2026 qui a la responsabilité du conseil de développement. Elle était d’ailleurs également en copie de ce mail. Mais ça, on en reparlera plus tard.
Rapprocher les citoyen.ne.s et les politiques : une nécessité
Réduire la contestation des riverain.e.s de la rue du Champ Rossignol au « not in my backyard » (pas chez moi) ou à une supposée critique envers Mr Madelain comme l’a fait la majorité n’est pas honnête et tente d’effacer les arguments légitimes qu’ils.elles ont soumis.
J’ai eu l’occasion récemment d’échanger avec plusieurs de ces élu.e.s et forcément, ils.elles n’apprécient pas ces remises en cause. Dans une publication au soir du conseil municipal du 26 juin, j’avais montré ma colère sur leurs propos en écrivant « des malhonnêtes ». Je vais corriger ici le message, en expliquant que ce sont les propos que je juge malhonnêtes (ou pas honnêtes s’ils.elles préfèrent). A l’heure où notre société est plus que jamais divisée et où une grande partie de la population se laisse tenter par le populisme de l’extrême-droite mettant en péril notre démocratie, il est essentiel de rapprocher les citoyen.ne.s et les politiques.
Il est primordiale de faciliter l’implication des habitant.e.s dans la politique de la ville et cela ne pourra pas se faire en continuant à limiter leur participation à une invitation à une réunion d’information pour annoncer une décision déjà prise comme c’est le cas pour la rue du Champ Rossignol (ou pour le passage du parking de la Poterne en stationnement payant). Plus de démocratie participative à Fougères c’est possible mais ca ne se fera vraissemblablement pas avec les membres de cette majorité.
Qui sait, en impliquant plus, en amont, les habitant.e.s à ce projet, les fougerais.es auraient peut-être été d’accord pour donner le nom de Jean Madelain à la rue du Champ Rossignol …
0 commentaires